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  • Discours d’hommage aux soviétiques morts en France en 1940-1945

     Cimetière militaire d’Haubourdin – 8 mai 2017 - Coordination Communiste / RCC

     

    Chers amis, Chers camarades,

     

    Ici en ce cimetière militaire d’Haubourdin sont rassemblés plus de 200 tombes de partisans soviétiques morts sur le sol français entre 1940 et 1945 pour la défaite du nazisme et la libération de la France de l’occupation nazie.

     

    Pour la Coordination Communiste, leur rendre hommage, chaque année depuis plus de 15 ans, c’est rendre hommage à des hommes oubliés, morts loin de leur patrie, qui ont participé à la Résistance française antifasciste. C’est aussi, à travers eux, rendre hommage à la contribution décisive de l’Union Soviétique à la victoire des peuples contre le nazisme.

     

    Qui étaient ces citoyens soviétiques enterrés ici sur notre sol, dont aucun manuel d’histoire ne nous parle ?

    Pour l’essentiel, ces tombes sont celles de prisonniers, militaires de l’Armée Rouge mais aussi civils requis, arrêtés par les Allemands sur le front de l’Est et transférés ici en France pour servir de main d’œuvre notamment dans les mines et pour participer à la construction du Mur de l’Atlantique ou à d’autres ouvrages défensifs. Environ 7 300 hommes ont ainsi travaillé dans les mines du Nord-Pas-de-Calais.

    Ces tombes sont aussi celles d’immigrés russes antifascistes, qui, d’ailleurs dès mai 1941 participèrent à la grande grève des mineurs, acte massif de la résistance de la classe ouvrière de la région. Tous ces hommes participèrent directement à la Résistance intérieure.

    Les premières organisations clandestines des prisonniers de guerre soviétique furent créées au début d’octobre 1942 dans le camp de Beaumont-en-Artois (Hénin-Beaumont aujourd’hui) dans le Pas-de-Calais. Les initiateurs étaient des officiers de l’Armée Rouge ayant réussi à s’évader. A l’automne 1943 s’y joignit un nouvel évadé, lieutenant de l’Armée Rouge fait prisonnier à l’Est et transféré en France depuis février 1943 : Vassyl Poryk, qui deviendra le chef des partisans soviétiques FTP du Bassin Minier. A l’actif de son bataillon : 300 soldats et officiers nazis tués ou blessés, le déraillement de 11 convois militaires et 2 ponts détruits, des attaques de dépôts de munitions et de vivres, ainsi que la mise hors d’état de nuire de collabos notoires.

     

    A la dernière étape de la libération de la France, jusque 10 000 Soviétiques formaient 55 détachements en France, sans compter les centaines de soviétiques intégrés dans des détachements soviéto-français ou internationaux. Dans le Nord-Pas-de-Calais, 10 détachements soviétiques ont combattu les occupants.

     

    Ces héros ont contribué à notre libération. Ils ont été l’expression vivante de l’alliance libre des peuples libres qu’a signifié l’alliance antifasciste contre le nazisme.

     

     

    Chers amis, Chers camarades,

     

    Au-delà de ces combattants soviétiques morts en France, il faut rendre hommage bien sûr, en ce 8 mai, à l’URSS, qui a perdu 25 millions de ses enfants dans cette grande boucherie de la deuxième guerre mondiale déclenchée par le fascisme hitlérien. C’est le pays qui a payé le plus lourd tribut à cette folie meurtrière déclenchée par les éléments les plus réactionnaires et les plus chauvins du capitalisme financier allemand pour écraser le mouvement ouvrier et assurer la domination de ses monopoles.

     

    Imaginez : 1 soviétique sur 7 a perdu la vie au cours de la guerre !  25 millions de morts.  70 000 villes, cités et villages ont été détruites, ainsi que 98 000 fermes collectives.

     

    Personne ne peut oublier ce peuple martyr. Personne ne doit oublier non plus l’apport décisif de l’URSS et de son Armée Rouge dans la victoire contre le nazisme :

     

    85% des divisions militaires de l’Allemagne hitlérienne ayant participé aux différents fronts de la guerre ont été détruites par l’Armée Rouge : 670 sur 793. L’Armée Rouge a détruit 75% des avions allemands, des pièces d’artillerie et des blindés. 80% des victimes allemands l’ont été sur le front germano-soviétique, soit 3 millions de soldats.

     

    C’est l’Armée Rouge qui a brisé l’armée nazie et qui a fourni l’effort principal pour la libération de l’Europe et donc de la France. Et jusqu’au bout : même après le débarquement de Normandie – ce second front tant attendu par les Soviétiques pour les soulager un peu de l’effort principal qu’ils supportaient depuis 1941 – même après ce débarquement, l’Allemagne avait 60 divisions mobilisées à l’Ouest en France et en Italie, mais devait maintenir 235 divisions contre la pression gigantesque exercée par l’Armée Rouge.

     

    Ce rôle essentiel de l’URSS était reconnu à l’époque. Churchill eut ce mot : « C’est l’Armée Rouge qui a tordu les tripes de la machine de guerre nazie ». En juin 45, le New York Herald Tribune américain écrivait : « l’Armée Rouge a été de fait l’armée qui a libéré l’Europe et la moitié de notre planète en ce sens que sans elle, et sans les immenses sacrifices consentis par le peuple russe, la libération du joug cruel du nazisme aurait été tout simplement impossible ».

     

    En France, le Général De Gaulle déclarait alors : « Les Français savent ce qu’a fait la Russie soviétique et savent que c’est elle qui a joué le rôle principal dans leur libération ». Aujourd’hui toutefois, ils le savent moins et nous devons d’autant plus rappeler ces vérités historiques. Sur l’amnésie prospère le révisionnisme historique.

     

     

    Chers amis, Chers camarades,

     

    Ce 8 mai cette année se place au lendemain d’un second tour d’élection présidentielle où le FN était présent et aura récolté 34% des suffrages exprimés et 10,6 millions de voix. Ainsi, 72 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, les héritiers du fascisme français, les héritiers du pétainisme, tiennent le haut du pavé dans ce pays.

     

    Ce qui est presque le plus douloureux, c’est cet aveuglement collectif qui s’empare d’une large part de la gauche qui, à force de dédiabolisation du lepénisme mais aussi de lepénisation de la société, en vient à sous-estimer le danger fasciste.

    Certes la bourgeoisie a plus d’un tour dans son sac et, en dépit de la déroute des vieux partis usés, peut encore assurer sa domination sans avoir recours au fascisme : la fabrication du phénomène Macron comme fausse alternance le montre bien. Mais le FN comme recours s’implante et élargit d’année en année son audience, il utilise tous les espaces démocratiques pour se développer. Si le front de la résistance populaire antilibérale dont les 20% de Mélenchon ont été l’expression ne réussit pas à percer demain comme alternative contre le programme destructeur de Macron, alors le FN plus que jamais sera aux portes du pouvoir.

     

    Apprenons du passé ! C’est le message que nous crient les morts enterrés ici !

     

    Rappelons que le fascisme peut accéder légalement au pouvoir dans le cadre de cette « démocratie » qui est souvent en réalité une démocratie contre le peuple ; et qu’arrivé au pouvoir, les fascistes eux-mêmes procèdent par étapes, pour renforcer leur pouvoir, s’installer dans l’appareil d’état et triompher. Ils ne cèdent jamais un pouce après avoir conquis une position dans l’appareil d’Etat.

     

    Examinez même la façon dont Hitler s’est installé au pouvoir.  On dit qu’il n’a pas eu le pouvoir « par les urnes ». C’est en partie inexact. Son parti avait obtenu aux élections législatives de novembre 1932  11,7 millions de voix, 33%, c’était le premier parti. Hitler est appelé en toute légalité au poste de Chancelier, c’est-à-dire Premier Ministre, par le Président Hindenbourg en janvier 1933. L’opposition social-démocrate ne dit rien et refuse la grève générale que les communistes proposaient. Il faut dire que depuis des mois les sociaux-démocrates estimaient que les nazis devaient « confronter leurs paroles à la dure réalité des faits », bref selon eux il fallait laisser les masses « faire leur expérience ». Le grand dirigeant communiste allemand Thälmann avait répondu par avance en juillet 1932 en ces termes : « Il n'existe pas de tromperie plus grande et plus honteuse à l'égard des masses que celle qui consiste à leur raconter : les fascistes s'useront au pouvoir, il suffit de les laisser gouverner. Les fascistes arrivés au pouvoir n'hésiteront pas à renforcer leurs agressions extra-parlementaires contre les millions de travailleurs ».

     

    Dans son premier gouvernement nommé le 31 janvier, Hitler n’a que 2 ministres nazis. Il exige la dissolution du Reichstag et de nouvelles élections sont programmées pour le 5 mars. L’appareil d’Etat va servir de levier pour une intense propagande en faveur du parti nazi.

    À la suite de l'incendie du Reichstag dans la nuit du 27 au 28 février, incendie présenté par les nazis comme le résultat d'un complot communiste, Hitler obtient l'accord des membres du gouvernement pour soumettre un décret d'urgence au président Hindenburg, qui signe le texte. Basé sur  un article de la Constitution allemande qui ressemble un peu à l’article 16 de notre Constitution de la Vème République, un décret permet de restreindre la liberté individuelle, la liberté d'expression, notamment la liberté de la presse, du droit de réunion et d'association. 

    Le parti nazi remporte 43,9% des voix aux élections du 5 mars, 8% allant à un autre parti nationaliste allié. Malgré cela, Hitler ne dispose pas de la majorité des deux tiers de sièges dont il avait besoin pour assurer un coup d’état légal. La solution est trouvée : le président du Reichstag, Göring, décide que les 81 députés communistes élus, mais ne pouvant siéger car déjà mis aux arrêts, ne sont pas pris en compte dans le quorum des présents.

    Hitler fit ainsi voter le 23 mars la loi lui octroyant les pleins pouvoirs, c’est-à-dire lui permettant de gouverner, de promulguer des lois, sans passer par le Parlement. Et elle fut votée très largement au demeurant, grâce au soutien du parti du Centre qui donne son accord après avoir obtenu de pseudos garantis : 444 voix pour et 94 votes contre. Prévue pour une période de 4 ans, elle restera en vigueur, bien sûr, jusqu’en 1945.

     

    Mais est-il nécessaire vraiment d’aller jusqu’en Allemagne ?  Pétain aussi a obtenu légalement les pleins pouvoirs : la loi du 10 juillet 1940 donnait tout pouvoir au gouvernement dirigé par Pétain (il avait alors le rang de « Président du Conseil », c’est-à-dire Premier Ministre) pour promulguer une nouvelle constitution, qui, de facto, suspendait les institutions de la Troisième République. Cette loi du 10 juillet 40 fut votée par le Parlement réuni en session extraordinaire dans la petite ville de Vichy, par 569 voix, contre 80 et 20 abstentions. Les députés communistes étaient absents : arrêtés dès octobre-novembre 1939, déchus de leurs mandats, condamnés et pour certains déportés en Algérie…. par cette Troisième République finissante qui nous montre là qu’il n’y a jamais de muraille de Chine entre la démocratie réactionnaire et répressive contre les progressistes et le fascisme qui s’installe au pouvoir.

     

     

    Chers amis, chers camarades,

     

    C’est donc un appel à la vigilance et à la mobilisation que nous voulons lancer, aujourd’hui, devant les tombes de ces soldats de la paix. Il n’y a rien d’inéluctable en politique, pour peu que l’on s’engage !

     

    Dans ce cimetière d’Haubourdin, soviétiques ici, tirailleurs des troupes coloniales là-bas, des centaines de jeunes gens sont morts en luttant contre le fascisme, pour que plus jamais la bête immonde ne surgisse de ce ventre fécond qu’est ce système capitaliste en putréfaction.

     

    Nous nous inclinons devant l’héroïsme de ces partisans soviétiques, morts loin de leur patrie pour la libération de l’humanité du joug nazi. Honneur aux combattants soviétiques ! 

     


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